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alsace, ballon, Ballon d'Alsace, cerises, cigogne, flammenküche, Gerwürzt, Gewurstramminer, kelsch, kirsch, Kougelhof, Kouglof, munster, Rhin, tarte flambée, Winstub
Quelque part il existe, perdu entre deux contrées autrefois ennemies, un Pays de Cocagne où le temps semble suspendu. Un pays où la verdeur des vignes riantes se retrouve dans l’ardeur verte de ses vins blancs, un pays où la panse repue de crème, de cochonnailles et de kirsch est un épicurisme allant de soi. Un pays qui, l’hiver approchant, se pare de légendes gothiques parfumées d’épices frissonnantes sous le sucre glacé. Je vous parle de l’Alsace, bien sûr, cette région où les rues s’écrivent en joyeuses tripotées de consonnes, où la froide saison la plus rude laisse brusquement place aux étés continentaux les plus implacables, où la cigogne farceuse est attendue comme le Messie et se perche alors très haut sur les cheminées des maisons à colombages, sans aucun snobisme sous-jacent.
Dans ce nouvel article, nous allons célébrer l’Alsace riante. Pas celle des Noëls au coin du feu fleurant le vin chaud et la cannelle, mais celle, plus méconnue, des étés dans le Ballon. Ici s’y invite le kelsch, ce lin typique à carreaux rouges et blancs dont on fait nappes et rubans, la cerise rubis charnue si chère à ce pays sachant l’accommoder de mille façons, et même le munster des alpages, se voulant traditionnellement arrosé de Gerwürzt comme jadis on baignait une promise à son époux… Un triptyque sacré que vous retrouverez dans ce repas de fin d’été, que l’on imagine dans un jardin, en plein midi, pieds-nus dans l’herbe fraîche. On ne saurait commencer sans un kougelhof, cette mignardise inspirée de la coiffure de Marie-Antoinette, ici réinventée sous sa forme salée : au Munster et cumin. Comment déroger à la douce texture d’un flammenküche brûlant aux oignons rouges cette fois, se mangeant avec les doigts ? Au diable les fourchettes ! Nous aurons bien le temps de nous accommoder des couverts dans les conventions hivernales… Les esprits apaisés s’assoupiront avec un blanc-manger arrosé de kirsch, dessert aussi simplement évident que l’Alsace est une bonne mère avec ses enfants. Les agapes terminées, on se laissera aller à la rêverie de l’après-midi, l’esprit flottant vers quelque ailleurs… Au loin, tranquille, coule le Rhin. Lui seul sait que l’or véritable se situe dans cette ripaille permanente de la vie.